L’IA est-elle une menace pour l’apprentissage social et les communautés de pratique ?
À l’occasion d’un Fishbowl animé par Étienne Wenger, pionnier de l’apprentissage social, lors du symposium du KCO (Knowledge Community Observatory) à Toulon le 5 mai 2025, un débat passionné a opposé deux visions de l’impact de l’intelligence artificielle (IA) sur l’apprentissage social et les communautés de pratique. L’IA est-elle un levier d’inclusion, de créativité et de transformation collective ? Ou bien un facteur d’uniformisation, d’isolement et de perte de sens ? Voici les enseignements clés issus de cette confrontation stimulante.
Opinion 1 : L’IA donne un nouvel élan à l’apprentissage social et aux communautés de pratique
- Stimulation cognitive : L’IA peut réveiller une pensée humaine parfois figée ou paralysée face à la complexité du monde. Elle agit comme un catalyseur qui pousse à sortir de sa zone de confort intellectuel.
- Réduction des biais : Contrairement à l’humain, l’IA n’est pas sujette aux biais cognitifs personnels. Elle peut donc offrir une perspective plus neutre et équilibrée dans les discussions et les apprentissages.
- Inclusion accrue : L’IA peut donner une voix à ceux qui s’expriment peu ou qui sont marginalisés dans les groupes, en facilitant leur participation et en réduisant les barrières à l’expression.
- Développement de l’empathie : En simulant différents rôles ou points de vue, l’IA permet aux utilisateurs de s’exercer à la compréhension de l’autre, favorisant ainsi l’intelligence sociale.
- Accès équitable à la connaissance : L’IA permet à chacun, quel que soit son contexte, d’accéder à une base de connaissances mondiale, réduisant ainsi les inégalités d’accès au savoir.
- Gain de temps et efficacité : L’IA peut automatiser certaines tâches cognitives, libérant du temps pour des activités à plus forte valeur ajoutée, comme la réflexion ou la collaboration.
- Stimulation de la créativité : En proposant des idées variées et inattendues, l’IA peut enrichir les brainstormings et ouvrir de nouvelles pistes de réflexion.
- Compagnon d’apprentissage : L’IA peut accompagner l’utilisateur tout au long de la journée, répondant à ses questions, stimulant sa curiosité et soutenant son développement personnel.
- Réflexion sur les transformations sociales : L’IA pousse à interroger nos pratiques, nos valeurs et notre rapport au savoir, stimulant une prise de recul critique.
- Rééquilibrage géopolitique : L’essor de l’IA dans des pays émergents comme la Chine ou l’Inde pourrait redistribuer les cartes du pouvoir technologique et favoriser une pluralité d’approches.
Opinion 2 : L’IA est une menace pour l’apprentissage social et pour les communautés de pratique
- Isolement social : L’usage intensif de l’IA peut réduire les interactions humaines authentiques, en remplaçant les échanges sociaux par des dialogues avec des machines, ce qui nuit à la dynamique collective de l’apprentissage.
- Biais culturels intégrés : Les données d’entraînement des IA sont souvent issues de contextes occidentaux, ce qui peut renforcer un point de vue ethnocentré et exclure d’autres formes de savoirs.
- Uniformisation de la pensée : En s’appuyant sur des modèles dominants, l’IA risque de lisser les différences culturelles et de produire une pensée homogène, appauvrissant la diversité des points de vue.
- Absence d’engagement réel : L’IA ne participe pas activement à la pratique humaine. Elle ne vit pas les situations, ne ressent rien, et ne peut donc pas s’engager dans une dynamique d’apprentissage incarnée.
- Inégalités d’usage : L’efficacité de l’IA dépend fortement du niveau d’expertise de l’utilisateur. Ceux qui maîtrisent mieux l’outil en tirent plus de bénéfices, creusant ainsi les écarts.
- Perte des savoirs tacites : L’IA ne peut pas capter les connaissances implicites, issues de l’expérience, de l’observation ou de la pratique partagée, qui sont essentielles dans les communautés de pratique.
- Logorrhée vide de sens : L’IA peut générer des contenus abondants mais creux, sans réelle profondeur, ce qui nuit à la qualité des échanges et à la construction de sens.
- Substitut déshumanisant : En devenant un interlocuteur privilégié, l’IA peut remplacer des relations humaines riches et nuire à l’équilibre émotionnel et social des individus.
- Accélération d’une tendance problématique : L’IA s’inscrit dans une dynamique de productivité immédiate et de court-termisme, déjà présente dans les systèmes éducatifs et professionnels.
- Renforcement de la logique de performance : L’IA peut accentuer la pression à la performance, au détriment de la robustesse, de la lenteur nécessaire à la réflexion, et du sens collectif.
En conclusion
Ce débat met en lumière une tension fondamentale : l’IA peut faciliter l’apprentissage social et enrichir les communautés de pratique si elle est pensée comme un outil au service de l’humain. Mais elle peut aussi les fragiliser si elle devient une fin en soi. Le défi est donc de préserver l’agentivité, la capacité des membres à faire une différence, dans un monde où les agents d’IA vont prendre de plus en plus de place.
Pour en savoir plus
Références :
- What is social learning?, par Bev Wenger-Trayner
- L’IA va-t-elle tuer les communautés
- Comment redynamiser les communautés de mon organisation
- Le guide pratique des communautés, Guy Parmentier, Florence Crespin-Mazet, Karine Goglio, Catherine Thiesse, et Louis-Pierre Guillaume, Édition d’innovations, 2022
- Les communautés, nouveau mode d’organisation ?,
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