Comment redynamiser les communautés de mon organisation

Alors que des communautés ont été créées en interne pour faciliter la transversalité, l’innovation, la collaboration, ou la capitalisation de connaissances, les organisations réalisent que leurs communautés de pratique ne délivrent pas ce qui était attendu d’elles. Pourquoi ont-elles échoué ? Que faire pour les remettre sur les rails ?

1 Mes communautés sont plantées

Récemment, via LinkedIn, j’ai échangé avec Ann me faisait part de l’état d’avancement du déploiement des initiatives de knowledge management (KM) dans son entreprise. Presque tous les voyants sont au vert. Les retours d’expérience sur les projets font partie de la culture de l’organisation, les base de données documentaires sont bien classées, le moteur de recherche permet de facilement trouver les informations demandées, les champions KM dans les Business Units (BU) sont efficaces, etc. Le seul problème à ses yeux est l’initiative Communautés de pratique.

Pourtant tout a été fait pour que les communautés de pratique réussissent dans son entreprise :

  • Les 50 communautés sont associées à des domaines de connaissances critiques de l’entreprise, liés aux technologies, aux processus métiers, aux produits / services / solutions et à des métiers clés tels que les chefs de projets.
  • Les membres, quelques dizaines par communauté, ont été bien choisis parmi les experts et les sachants dans ces domaines.
  • Chaque communauté est animée par un expert reconnu du domaine.
  • Chaque communauté a un sponsor haut placé dans la hiérarchie.
  • Un budget a même été alloué pour financer ces communautés, en particulier les 20% du temps nécessaire à l’animation.
  • En contrepartie, chacune a une feuille de route annuelle, avec des groupes de travail et des productions attendues telles que la maintenance de la base de connaissance du savoir du domaine, des opinions sur des problèmes techniques…
  • Chacune est évaluée annuellement, avec un changement d’équipe d’animation à la clé si l’évaluation n’était pas à la hauteur des attentes.

Ann est très embêtée. Son constat est que ces communautés de pratique sont en général peu actives, ce qui selon elle présente des risques :

  • Les bases de données documentaires des domaines dépendant du savoir et des activités des communautés pour être à jour, il y a un risque de perte d’information.
  • La montée en compétence des nouveaux venus dépendant à 70% de l’apprentissage social au sein des communautés, il y a un risque d’allongement de la montée en compétences.
  • La génération Z a besoin de sens pour rester dans l’entreprise. Sans communautés actives pour créer du lien et du sens entre les membres, il y a un risque que les nouveaux employés ne restent pas longtemps.
  • Beaucoup des experts sont proches de la retraite. S’ils ne partagent pas au sein des communautés avec les autres membres, il y a un risque que le savoir des experts soit perdu.
  • Cerise sur le gâteau, une redistribution des rôles est en cours au profit des Business Units (BU). Il y a un risque que chaque BU ne s’occupe que des communautés directement liées à son domaine. Il y a un risque que chaque animateur de communauté reste dans son silo (son domaine), sans échanger avec les autres animateurs.

2 Un peu de théorie sur les communautés de pratique

2.1 Communauté de pratique

Une communauté de pratique (CoP) rassemble des membres « qui partagent une préoccupation, un ensemble de problèmes ou une passion pour un sujet, et qui approfondissent leurs connaissances et leur expertise dans ce domaine en interagissant de façon continue » (Wenger et al. 2002).

Les CoP sont fondamentalement caractérisées par leur nature auto-organisée. En effet, les individus ne participent pas à ces communautés parce que la hiérarchie les pousse à le faire, mais parce qu’elle leur permet de développer leurs compétences dans leur domaine d’activité.

Caractéristiques d'une communauté de pratique

L’identité des CoP se construit à travers un processus d’engagement mutuel. Il est construit autour d’activités qui sont comprises et continuellement négociées par les membres du groupe. L’appartenance à une communauté exige un engagement fort envers un système dynamique qui est continuellement redéfini par les actions de ses membres.

L’engagement mutuel dans la CoP assure donc la cohésion de la communauté et le recrutement de nouveaux membres. Les individus sont évalués par la communauté de pratique, avec une importance égale attribuée aux valeurs adoptées par l’individu et aux progrès réalisés dans ses tâches.

2.2 Communauté de pratique pilotée

Compte tenu du rôle des CoP dans le soutien à la gestion des connaissances, les organisations cherchent de plus en plus à les piloter vers une logique stratégique.

Ces CoP pilotées (CoPP) induisent une tension entre l’auto-organisation et le contrôle qui les différencie clairement des structures hiérarchiques traditionnelles, telles que les projets et les groupes de travail en termes de tâches, de missions, d’adhésion, de leadership ou de structure.

Structures dans une organisation (formelle - informelle)

Cette tension implique également la difficulté de construire des CoPP à partir de zéro. Une CoP peut ainsi être pilotée, mais pas contrôlée sous peine de détruire les relations complexes de réciprocité sur lesquelles elle repose.

3 Les chausse-trapes des communautés de pratique pilotées

Une des plus grandes erreurs est selon Wenger la volonté de développer des communautés de pratique. Le but d’une CoP n’est jamais d’être une CoP. Son but est de servir ses membres, autour de besoins ou de problématiques (et non de thèmes imposés par la hiérarchie).

La littérature souligne également que la tension auto-organisation/contrôle au sein des CoPP peut être résolue par la présence d’un sponsor et d’un animateur de communauté (aussi appelé leader). Cependant :

  • Le sponsor ne « demande » PAS des résultats et n’impose PAS l’agenda de la communauté. Occupant généralement une position élevée dans la hiérarchie, il veille à ce que la communauté sous sa responsabilité dispose des ressources et du temps nécessaires pour fonctionner tout en restant en phase avec l’activité de l’organisation.
  • L’animateur ne « manage » PAS la communauté. Il s’assure qu’il y aura une coopération efficace et le renforcement des liens de confiance entre les membres, leur permettant ainsi d’échanger des connaissances. Dans ce contexte, il est un « jardinier du savoir qui doit préparer un terrain fertile pour que les communautés s’épanouissent ». Il est chargé de donner une « âme » à la communauté en jouant un rôle actif dans la construction de son identité.

D’autres études montrent que la résolution de la tension auto-organisation/contrôle au sein des CoPP passe aussi par la construction d’une organisation collective ad hoc entre chaque CoP et le management. Des CoPP imposées par le management sont donc vouées à l’échec.

Les communautés de l’entreprise de Ann sont clairement tombées dans ces chausse-trapes.

4 Redynamiser les communautés est complexe

Des entreprises et des organisations ont réussi à créer des CoPP qui fonctionnent dans la durée, parmi lesquelles on peut citer Schneider Electric, Schlumberger, Engie, l’IRSN, Spie batignolles, Ubisoft.

LES COMMUNAUTÉS DE PRATIQUE SONT DES ORGANISMES COMPLEXES, ayant leur propre personnalité et cycle de vie. Nous avons l’expérience du terrain, ayant été leaders de communautés ou directeur d’un programme de communauté en entreprise.

LES QUESTIONS À SE POSER :

  • Nos communautés correspondent-elles aux besoins des membres ?
  • Les animateurs / leader ont-ils le bon profil ?
  • Les sponsors ou le management sont-ils trop intrusifs ?
  • Nos communautés sont-elles des communautés de pratique ou des groupes de travail ?
  • Les animateurs / leaders maitrisent-ils les usages collaboratifs numériques ?
  • Nos communautés sont-elles alignées avec la stratégie de l’entreprise ?
  • Existe-t-il dans mon organisation un référentiel pour les communautés ?

Amallte a accompagné des dizaines d’entreprises et organisations pour :

  • Acculturer l’organisation aux communautés et à ce qu’elles peuvent apporter
  • Analyser les problématiques de communautés existantes et formuler des recommandations
  • Co-construire des communautés internes, externes ou mixtes
  • Former et accompagner les personnes en charge de l’animation de communauté (animateur / leader + core team / ambassadeurs)
  • Redynamiser des communautés assoupies
  • Identifier des communautés potentielles dans une organisation et leurs animateurs
  • Structurer les référentiels documentaires des communautés
  • Co-concevoir un programme de communautés
  • Accompagner le/la responsable du programme de communauté

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Louis-Pierre Guillaume

Pour aller plus loin

  • Guy Parmentier, Florence Crespin-Mazet, Karine Goglio, Catherine Thiesse, et Louis-Pierre Guillaume (2022), Le guide pratique des communautés, Édition d’innovations
  • Guy Parmentier, Florence Crespin-Mazet, Karine Goglio, Catherine Thiesse, et Louis-Pierre Guillaume (2023), The Practical Guide to Communities , Édition d’innovations (traduction anglaise)
  • Wenger, E., McDermott, R., & Snyder, W. M. (2002). Cultivating communities of practice. Boston, Massachusetts: Harvard Business School Press.
  • Haas, A., Abonneau, D., Borzillo, S., & Guillaume, L.-P. (2021). Afraid of engagement? Towards an understanding of engagement in virtual communities of practice. Knowledge Management Research and Practice, 19(2), 169–180
  • Bootz J-P (2015). Comment concilier auto-organisation et contrôle au sein des communautés de pratique pilotées ? Management international, 19(3), 15-30
  • Comment être un bon animateur de communauté ?
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