Décloisonner l’entreprise pour développer l’innovation

Alors que de nombreuses entreprises ressentent le besoin de « casser les silos », nous nous interrogeons sur le rôle de la transformation digitale dans la multiplication des cloisons et nous nous attardons sur trois pistes pour décloisonner l’entreprise. Enfin, nous nous focalisons sur la valorisation des connaissances comme levier au service de l’innovation collaborative.

1. L’intérêt du cloisonnement

Fortement décriés actuellement, les silos résultent pourtant de choix d’organisation historiquement fondés. Ils permettent en effet de dédier des équipes à des enjeux importants et à optimiser leur efficacité : l’excellence dans un processus ou le succès sur un marché. Ainsi, lorsque Sony a adopté une organisation en business units en 1993, ces entités ont notablement réduit leurs coûts et accru leurs marges, au point que les profits ont été multipliés par 13 en 4 ans ! Cette organisation favorise aussi la responsabilisation et l’implication des salariés, en répondant au besoin humain d’appartenance à une tribu dont on partage les codes et les objectifs. La budgétisation par département et les contraintes budgétaires de chaque manager contribuent aussi à la formation de silos, chacun optimisant ses objectifs propres au niveau local, au détriment de l’optimum global au niveau de l’entreprise.

 2. Les conséquences négatives du cloisonnement

Pour de nombreux cadres dirigeants, passer de la vente de produits à la vente de solutions – des packages de produits et de services – est une priorité sur les marchés actuels de plus en plus banalisés. Cependant, les entreprises ne sont pas toujours structurées pour opérer ce changement. Les connaissances et l’expertise sont souvent cloisonnées, et de nombreuses entreprises ont du mal à exploiter leurs ressources au-delà de ces barrières, afin que les clients apprécient leurs solutions et soient prêts à payer pour cela. En effet, l’information circule peu au-delà des frontières du silo, les équipes ne savent pas travailler ensemble, voire agissent en rivales. Cela freine à la fois l’apprentissage et la capacité d’unir ses forces pour innover ou pour mener une stratégie concertée. Or ces atouts sont devenus essentiels dans des marchés en forte évolution.

Une conséquence contre-productive de l’organisation scientifique du travail, par tache et spécialisée pour atteindre la performance, est la perte de la vision globale ainsi que des pratiques routinières et répétitives qui n’attirent pas les salariés. Ce cloisonnement hiérarchique conduit à limiter l’autonomie et la créativité des salariés, et donc ne permet pas l’innovation et le développement de solutions. Le manque d’innovation est l’un des principaux symptômes du fonctionnement en silos dans les entreprises.

 3. Les TIC sont-elles des facteurs de cloisonnement ?

La mise en place des TIC (technologies de l’information et de la communication) n’a pas conduit à décloisonner, mais à multiplier les cloisons. En effet, l’information est un enjeu de pouvoir, de maitrise de l’action collective. Or, pas d’action collective sans structuration des flux d’information, que ce soit lors de l’organisation d’un pique-nique ou de la conduite d’une armée sur le champ de bataille. D’où la tendance du management à nier la circulation d’informations informelle (rumeur, etc.). Cette tension entre volonté de contrôle et flux d’information informelle a été marquée lors du déploiement des technologies digitales grand public (avant les entreprises). L’entreprise a mis en place des démarches de structuration des flux d’information informelles dans les années 2000 en formalisant la collaboration (processus et outils), puis dans les années 2010 en déployant des réseaux sociaux d’entreprise pour créer du lien (et aussi pour voir ces liens).

On a ainsi ajouté des couches au-dessus du silo traditionnel, l’organisation par projets, puis la couche collaborative. Ce qui crée un effet mille-feuilles. Le salarié ne sait pas où il est dans l’organisation, où chercher l’information, quelle est l’action collective et le sens de cette action collective. Le collaborateur est submergé de technologies, ce qui indue une perte de repère et une perte d’efficacité.

 4. Trois pistes pour décloisonner l’entreprise

C’est pourquoi de nombreuses entreprises ressentent le besoin de « casser les silos », c’est-à-dire de conduire les entités à coopérer au service d’objectifs partagés. Les travaux des experts sur le sujet nous incitent à agir selon trois pistes :

  1. Fédérer les équipes autour d’enjeux communs, en responsabilisant les entités sur des objectifs partagés clairs et tangibles, en proposant des solutions agiles avec des hiérarchies horizontales qui réduisent les coûts des transactions internes.
  2. Créer des liens entre les entités, en favorisant l’établissement de relations interpersonnelles, en structurant la mise en commun des informations, en déployant des processus favorisant la collaboration interfonctionnelle et permettant d’avoir une vue orienté client.
  3. Faciliter l’expérimentation, l’autonomisation et la coopération spontanée. Dès lors que les équipes se connaissent et poursuivent des objectifs partagés, elles sont souvent les mieux placées pour identifier comment unir au mieux leurs forces.
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 5. Le management des connaissances au service de l’innovation

Le cœur de l’activité de l’entreprise est le développement des services et de l’innovation. Pour cela, il faut des collaborateurs impliqués subjectivement, qui souhaitent développer leur intelligence et la valoriser auprès d’un collectif.

C’est le sens d’une démarche de management des connaissances (KM) : identifier les connaissances, les faire se développer et les partager au sein d’un collectif, le tout dans le flux de travail quotidien.

Les communautés sont un des composants d’une démarche KM. Elles jouent un rôle de plus en plus primordial dans le processus d’innovation des entreprises et la manière dont celles-ci peuvent en tirer avantage. Une communauté regroupe des individus qui partagent une passion commune pour un domaine de connaissance donné. Les interactions régulières et le partage des meilleures pratiques entre les membres d’une communauté font émerger en permanence quantité d’idées nouvelles. Cette créativité peut naturellement être considérée comme une source puissante d’innovation pour les entreprises.

Faut-il alors décloisonner à tout prix, ou alors recloisonner autour de la connaissance, de l’expertise métier et de l’expérience ?

Louis-Pierre Guillaume

6. Pour aller plus loin

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